L’exil fiscal n’est plus réservé aux grandes fortunes
ANALYSE – « Seulement » 589 foyers gagnant au moins 300.000 euros sont partis en 2014, contre 659 un an plus tôt. La nouveauté, ce sont les départs de plus en plus nombreux des foyers dont le revenu fiscal est compris entre 100.000 et 300.000 euros.
En 2014, ils sont 4109 ménages à avoir franchi le pas. Ou plutôt la frontière. 4109 foyers français, qui gagnent plus de 100.000 euros par an, à avoir plié bagage et emmené leur famille pour partir vivre à l’étranger.
Parmi eux, de jeunes cadres dynamiques ont eu envie de s’expatrier pour découvrir le monde. Des retraités aisés ont été tentés de prendre leur retraite sous des cieux plus ensoleillés et peut être moins confiscatoires diront certains. Une enquête de la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire réalisée en 2012 montre que l’expatriation répond pour plus de la moitié des personnes interrogées à des motivations professionnelles, et pour près de 30 % à des raisons familiales ou personnelles. Pour autant, dans le contexte de «ras-le-bol fiscal» exprimé depuis le début du quinquennat, négliger le poids des impôts dans ces départs reviendrait à occulter une partie de la réalité. Une partie de ces choix d’expatriation vers le Royaume-Uni, les États-Unis ou la Suisse n’est pas le fruit du hasard.
Que montrent les chiffres du rapport annuel que le ministère des Finances vient de transmettre aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances du Parlement? Que l’administration fiscale a enregistré en 2014 plus de 4100 départs parmi les résidents fiscaux les plus aisés, contre 3744 un an plus tôt. Soit une hausse de 10 %. En 2010, on ne comptait «que» 1330 départs et, en 2007, 1101.
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Une population fiscalement matraquée
Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, ce ne sont pas les plus riches qui ont le plus quitté la France récemment. «Seulement» 589 foyers gagnant au moins 300.000 euros sont partis en 2014, contre 659 un an plus tôt. Les départs des contribuables dont le patrimoine est supérieur à 1,3 million d’euros et sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ont aussi légèrement baissé, passant de 815 à 784 sur un an. Rassurant? Pas vraiment! Depuis 2011, leur nombre progressait entre 10 % et 20 % chaque année. Les familles françaises les plus fortunées sont donc déjà largement installées au-delà de nos frontières.
La nouveauté, ce sont les départs de plus en plus nombreux des foyers dont le revenu fiscal est compris entre 100.000 et 300.000 euros (+ 16 % en un an). Ils font certes partie des foyers français les plus aisés, mais pas des grandes fortunes, que le fantasme collectif dépeint à gros traits comme candidat à l’exil. Pour eux, la suppression du bouclier fiscal par Nicolas Sarkozy en 2011, puis la création d’une nouvelle tranche d’impôts à 45 % par François Hollande, suivies d’une sévère réforme des allocations familiales ou encore par la hausse de la fiscalité sur le capital, ont changé la donne. Au fil des mois, cette catégorie de population s’est retrouvée fiscalement matraquée. Et, en 2014, date de la dernière étude du ministère, ces foyers n’étaient pas encore certains que le gouvernement en place n’allait pas continuer à le prendre pour cible…
Compte tenu de la concentration de l’impôt sur le revenu, ces nouveaux exilés représentent un manque à gagner important en termes de recettes d’impôt sur le revenu. Chaque année, le départ des assujettis à l’ISF fait déjà perdre jusqu’à 30 millions au budget de l’État. Sans compter ce que ces foyers, avec leur patrimoine et leurs revenus, auraient pu apporter à l’économie, que ce soit via l’investissement ou la consommation. À quelques mois d’une échéance électorale cruciale, le message est, en tout cas, très clair.
Par Marie Visot dans Figaro Vox
Publié le 24/11/2016 à 22h17